mardi 4 mars 2014

Obliques

J'aimerais revenir, à la faveurs de récentes acquisitions, sur la famille incroyable que forment les flûtes obliques. Tu sais? Tu en as déjà vues quelques unes, toutes originaires d'Afrique du nord, ici, ici encore, ou . Je ne pense pas dire de bêtise en attribuant la distribution géographique de cette famille à l'origine perse dans un premier temps, puis à sa distribution dans le monde arabo-musulman et l'empire Ottoman ensuite. En effet, la plus ancienne représentation d'une flûte oblique est un ney perse daté de plus de 2000 ans avant Jicé. Depuis, l'instrument se décline en différentes formes sur tout le pourtour méditerranéen, du Maroc aux Balkans et la Grèce, avec toutefois une incursion plus profonde en Afrique, au sein de la culture peule du Niger.
On trouve également une flûte oblique en Mongolie, dont la technique de jeu se démarque nettement de ses cousines : en effet, le musicien chante dans sa flûte et use de cette technique gutturale du chant diphonique.


Comme je te l'expliquais dans mes articles précédents, ces flûtes sont de conception on ne peut plus simple : un tuyau de roseau ou de bois tourné, parfois de métal, ouvert à ses deux extrémités. Et c'est tout, tire ton plan! Bon, on t'aide avec un biseau sur le périmètre de l'embouchure, mais te voilà malgré tout devant une montagne de complexité pour en jouer valablement! Il s'agit de tenir la flûte en oblique contre les lèvre et de souffler vers le biseau de l'embouchure comme tu soufflerais sur la flamme d'une bougie. La base est là, mais c'est loin de suffire : L'angle d'attaque (latéral et vertical) va déterminer la justesse et permettre des variations de nuances et d'altérations, jusqu'aux quarts de ton. La force du souffle va également permettre de faire ressortir des harmoniques fabuleuses et enrichir ainsi la palette de couleurs du morceau joué. Les possibilités d'expressions sont infinies tant le souffle du musicien est présent dans le son émis par ces flûtes.

Voici donc quelques membres de la famille des obliques :


Le ney :



Flûte oblique d'origine perse et répandue dans tout le monde arabo-musulman, le ney est consacré au répertoire "savant" de la musique classique arabe, mais il trouve de plus en plus de place dans des formations de musiques fusions mêlant "musiques du monde" au jazz ou au pop-rock. L'instrument présente 7 trous de jeu (6 sur le dessus et 1 pour le pouce du haut). Le ney arabe se distingue du ney iranien par le biseau externe de l'embouchure : le ney iranien possède un biseau interne, et un renfort métallique du tuyau.
Je te laisse te replonger dans cet article qui en parlait plus largement.

F149 - Ney - Égypte - Bois, métal - 80,5 cm


















La ghasba :

Comme le nom perse de sa cousine savante, le nom arabe de cette flûte signifie "roseau". La ghasba est la version populaire, d'origine pastorale, du ney classique. Elle ne comporte pas de trou pour le pouce mais peut présenter 6 ou 7 trous sur le dessus.



F87 - Ghasba - Maroc - Roseau - 54 cm

















Le Kawala :


Le kawala est une flûte égyptienne. Elle est, à l'instar de la ghasba, un instrument populaire pastoral. Les sources que je consulte semblent également mentionner un usage liturgique. L'instrument est plus court et trapu que ses cousines. Le son en est d'autant plus doux. Le kawala ne présente que 6 trous.

F173 - Kawala - France (Facteur : J.-L. Msika) - 46 cm







Le ney turc :



Le ney turc est la flûte sacrée des Soufis, les derviches tourneurs, au service desquels il offre un répertoire de musique méditative et de transe. Il est également utilisé dans la musique traditionnelle. D'autre part, il m'a été donné il y a une quinzaine d'années de découvrir Kudsi Erguner, maître du ney turc (vidéo). Musicien traditionnel, il a su faire connaitre et apprécier cet instrument bien au delà de la Turquie dans un répertoire jazz fusion absolument fou. L'instrument est en tous points semblable au ney arabe, si ce n'est qu'il est plus long et plus large, et qu'il a également reçu au cours de son évolution une embouchure conique en ivoire, en os ou en corne, le bashparé. Ce dernier se monte sur une bague métallique renforçant l'extrémité du roseau. De nos jours, le bashparé est plus couramment fait en bois ou en plastique.

F191 - Ney - Turquie - Roseau, métal, plastique - 72 cm



Bashparé









La supelka :

La supelka est une petite flûte oblique pastorale que l'on trouve de la Grèce à l'ex-Yougoslavie. Elle n'est à ma connaissance utilisée que dans un répertoire traditionnel. Nettement plus petite que ses cousines, elle a un corps trapu percé de 6 trous. D'une tessiture de presque deux octaves, le son est doux et profond dans les graves et perçant dans les aigus.



F192 - Supelka - Grèce - Bois (abricotier) - 19,5 cm








F194 - Supelka - Macédoine - Bois (Frêne flammé) - 24 cm





La Tilinka :

La tilinka est une flûte oblique harmonique roumaine : il n'y a aucun trou de jeu, les notes étant obtenues par la variation de l'intensité du souffle du flûtiste, conjuguée à l'obstruction partielle ou totale de l'extrémité de la flûte. La famille des flûtes harmoniques pourrait faire à elle seule l'objet d'un article tant les formes et régions géographiques sont nombreuses.


J'ai fait une acquisition malheureuse, dernièrement, sur eBay : je pensais commander une flûte harmonique, il s'agissait en fait d'un bâton de jonglage équipé d'un sifflet annulaire à l'une de ses extrémités. J'ai fait sauter le sifflet et modifié l'objet pour en faire une tilinka grave. Ça marche pas mal, le son est génial, mais je suis loin d'en obtenir toutes les tonalités. J'y travaille encore.

F193 - Tilinka ténor - Home made - Bambou - 65 cm


Les kavals  :

Le kaval est une grande flûte pastorale au timbre et aux nuances d'une infinie richesse. C'est, à mon avis, la plus belle flûte de la famille! On trouve des instruments sous cette appellation de la Turquie à la Bulgarie, cette dernière l'ayant érigé au rang d'instrument national. Tous les kavals présentent huit trous de jeu (7+1) et quatre trous d'accord. En Bulgarie, l'instrument est en trois parties alors qu'ailleurs il est fait d'une pièce. Le kaval macédonien est souvent enfilé sur une tige de bois, parfois par deux, comme on peut en voir au Musée des Instruments de Musique de Bruxelles.




F196 - Kaval - Macédoine - Bois (Frêne flammé) - 74,3 cm


C'est de Bulgarie que le kaval est sorti le plus sûrement du cadre folklorique pour s'intégrer dans un répertoire jazz fusion et partir à la conquête du monde. Son meilleur ambassadeur est sans nul doute le maître Theodosii Spassov. Il a une telle maîtrise de son art et fait preuve d'une telle inventivité que c'en est fou! Et surtout, il sait mélanger les genres et s'entourer de diversités musicales. Il sait aussi sortir du cadre de l'instrument, en y soufflant à la façon d'un cor, ou de la flûte traversière, ou en y incluant sa voix, en maîtrisant aussi le souffle continu. Je ne bouderai ni mon plaisir ni le tien en te proposant plusieurs vidéos de ce génie, l'une d'elle le montrant même à jouer par l'autre extrémité de la flûte! Puis, comme un plaisir ne doit jamais venir seul, tu trouveras en fin d'article la vidéo d'un envoûtant morceau des Klezmatics, avec un Matt Darriau inspiré au kaval, pour une de ses plus belles compositions.

F189 - Kaval - Bulgarie - Bois, métal, plastique - 63,5 cm













F209 - Kaval - Turquie - Bois, plastique - 327mm 






Le kaval, flûte oblique, ne doit pas être confondu avec la caval, flûte droite à conduit, répandue dans la même région, de la Turquie à la Roumanie. 

Voilà pour un tour d'horizon de la famille des flûtes obliques. Cet horizon est loin d'être clos car seuls les instruments que je possède sont présentés ici. Il me reste pas mal de belles choses à acquérir, dont j'ai déjà repéré des offres sur la toile : blul arménien, flûte peule, ney iranien, tsuur mongole, etc. Affaires à suivre...


F147 - Flûte oblique - Home made by R.Najaro - Berce du Caucase - 61 cm



Klezmatics - Di Gayster (Les Fantômes)


Sources
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ney
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kaval
http://tilinca.blogspot.be/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kaval
http://www.simon-merarin.com/instruments/flute-kaval-bulgare/
http://argali.shop.free.fr/Argali/Accueil.html


3 commentaires:

patrick pailloux a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Mme de K a dit…

Il faut que je fasse lire cette page très intéressante à monsieur de K qui est fluteàbeciste !

Merci de votre passge chez moi ! (ou plutôt dans un de mes ex-chez moi : le blog 3e niveau)

W. Van de Velde a dit…

Flûteàbeciste?! Excellent, j'adore!
La flûte à bec étant mon premier instrument, je ne peux qu'éprouver une sympathie spontanée envers ses adeptes. Vive monsieur de K!

Je m'en irai visiter dès que possible vos actuels chez-vous.