dimanche 26 juillet 2020

Cousin-cousine?

À la faveur de quelques récentes acquisitions, je m'en reviens ressusciter mon blog.

Je te présentais déjà très brièvement le hulusi dans un vieil article, comme "un cousin du pungi indien". C'est d'ailleurs ce que l'on peut lire sur la plupart des sites parlant de cet instrument.
Mais ces deux instruments, le pungi et le hulusi, sont-ils réellement cousins?

Si l'on se base sur l'apparence extérieure, en effet, ces deux instruments sont forts semblables : une gourde (calebasse) pourvue d'un, deux ou trois tuyaux de bambou, voilà les éléments d'une évidente ressemblance.

 
O14 - Hulusi - Vietnam - 470mm
C30 - Pungi - Inde - 400mm

Mais la similitude s'arrête là : en s'intéressant à l'organologie, on se rend vite compte de ce qui sépare les deux instruments.

"Organologie, organologie, et puis quoi?"
Du calme : l'organologie, je t'en offrais un petit aperçu général dans cet article visant à identifier les différentes familles d'instruments à vent; il permettait d'y voir un peu clair sur le vocabulaire. Plus tard, j'entrais davantage dans le détail de la famille des instruments à anches. Enfin, le présent article reprendra des éléments déjà précisés dans cette page consacrée à la "flûte" bawu.


Car la clef se situe précisément au niveau des anches : le hulusi est un instrument à anches libres, ce qui le rend plus proche des accordéons, harmoniums et harmonicas, dont il est un lointain ancêtre, à l’instar de l'orgue à bouche lashai-shi, du bawu, et du raj nplaim. L'anche est en effet taillée dans une plaque de laiton insérée dans le tuyau de bois ou de bambou et elle vibre librement de part et d'autre de son cadre.







Quant à lui, le pungi est un instrument à anches battantes. Ces anches sont en tous points identiques aux anches d'instruments d'origine perse et que l'on trouve sur tout le pourtour méditerranéen. Cet organe sonore le rapproche donc de certaines cornemuses et des ancêtres de la clarinette, telles que les mandouras, zummaras, zamr et autres launeddas




Cependant, les différences ne relèvent pas que de l'organologie :

Originaire de Chine, de culture Daï, le hulusi est un instrument de cour et d'orchestre, associé à un répertoire de la musique dite savante. Le répertoire classique ne présente pas de pièces nécessitant l'utilisation du souffle continu. Cette technique appliquée au jeu du hulusi relèverait plutôt d'un usage moderne.
La minorité Dai est présente dans une vaste région couvrant le sud de la province chinoise du Yunnan, le Vietnam, le Laos, la Thaïlande et le Myanmar. Aussi, même si le hulusi est davantage présent en Chine, et bien au-delà d'ailleurs de la seule province du Yunnan, on trouve également cet instrument dans ces pays.


Le hulusi fait partie de ces instruments originaires d’Extrême-orient qui ont voyagé jusqu'en occident via la route de la soie, et qui ont permis de décliner son organologie dans l'invention de nouveaux instruments tels que, je te le disais plus haut, les accordéons et les harmonicas.

Le pungi, en revanche, rassemble les caractéristiques organologiques d'instruments à vent originaires du Moyen-Orient, et qui seraient parvenus jusqu'en Chine via la route des épices.

Contrairement au hulusi, le pungi est un instrument populaire, un instrument de rue joué en Inde, au Pakistan et au Népal par la caste des saperas, les charmeurs de serpents. La technique de jeu du pungi exige la maîtrise du souffle continu permettant de ne pas avoir d'interruption dans l'émission du son : le musicien, par la contraction des joues et de la gorge, est en mesure d'expulser de l'air dans l'instrument tout en inspirant de l'air par le nez.
Il est à noter que les serpents sont sourds! Ce n'est donc pas au son de la musique qu'ils "dansent", mais c'est excités par les mouvements de l'instrumentiste qu'ils adoptent leur posture de défense devant celui qui leur apparaît comme une menace.




Toujours est-il que voilà exactement ce qui me passionne dans l'approche des instruments traditionnels : elle permet de prendre conscience des échanges, des voyages, du brassage de cultures et des inspirations qui ont permis de voir évoluer de nombreux instruments, et d'en voir naître de nouveaux.
Le hulusi et le pungi sont peut-être bel et bien cousins, finalement : le premier ayant peut-être bénéficié de l'apport de l'organe sonore d'un instrument importé pour donner naissance au second.

C31 - Pungi - Inde - 400mm


Voici pour ce nouveau souffle du Musée.

À vite !