Retour d'une brocante croisée par hasard hier. J'en ai fait le tour d'un pas rapide : mon programme n'avait pas prévu ça... Et puis je le vois! Brève discussion avec le vendeur, très sympathique, et me voilà avec cette rareté.
Je me permettrai, pour te présenter cet instrument, d'enrichir mon texte d'extraits d'un article qui lui a été consacré par Michel Aubry dans "Le Roseau et la Musique", catalogue d'une exposition du même nom tenue à Hyères en 1988 (cfr Source).
Le launeddas est un instrument endémique de Sardaigne, bien qu'il s'apparente à d'autres instruments rencontrés sur le pourtour méditerranéen, des Baléares à l'Égypte (j'en ai déjà montré quelques-uns là-bas en cliquant ici ou ici en cliquant là). Il est décrit comme le plus ancien instrument traditionnel encore en usage sur l'île. M.Aubry précise qu'il est difficile de découvrir quelque preuve archéologique ou historique étayant l'hypothèse d'un modèle évolutif : "Le corps végétal de l'instrument résiste à l'humidité du souffle comme aucun bois ne saurait le faire. De simples ligatures de fil poissé cerclent cette apparente fragilité. Alliant finesse et légèreté, les pièces de cet instrument ne se fendent jamais. Pourtant, là où toutes les contraintes de la musique restent vaines, le temps détruit sûrement la canne par un dessèchement inexorable. (...) Dès lors, je me suis consacré à l'instrument naissant plutôt qu'à l'étude d'anciennes pièces rares et incomplètes, jamais anchées de surcroît, amenant à de douteuses hypothèses. La fabrication des launeddas par des musiciens ou des constructeurs qui leur sont contemporains, parfois voisins, devient l'une des clefs du système (ils sont une dizaine à construire)"
L'instrument se présente sous la forme de trois cannes de roseau montées chacune d'une anche simple. Chaque anche est taillée à même un fin tronçon de roseau à une extrémité de la canne (si tu te rappelles la leçon, il s'agit donc d'anches idioglotes). L’herméticité est assurée par un joint de cire d'abeilles. Les anches sont entièrement mises en bouche et sous pression constante par la technique du souffle continu (respiration circulaire). La main gauche porte deux tuyaux liés entre eux, la "mankosa manna" : le tuyau mélodique percé de cinq trous rectangulaires - quatre trous de jeu et un trou d'accord - et le tuyau bourdon. La main droite porte un deuxième tuyau mélodique, appelé "mankosedda" dont la maniabilité lui confère la mélodie principale tandis que la main gauche et le bourdon servent l'accompagnement. Les trous sont rectangulaires et bénéficient de colmatages à la cire afin d'en affiner la justesse. Les anches sont lestées de cire également, afin de régler à la fois la justesse de l'instrument et la qualité du timbre.
"Les launeddas, précise M.Aubry, n'existent que sous cette forme, mais le pluriel recouvre une famille de combinaisons harmoniques."
Mon instrument est appelé "mediana a pipia" et est accordé en do. La longueur du bourdon est de 68cm alors que celui des plus grands instruments peut dépasser le mètre!
Le musicien doit prendre les trois anches complètement en bouche, ce qui représente tout de même une masse de plus de cinq centimètres! Ça n'a l'air de rien mais, ne te moque pas, ça me pose un problème que je dois résoudre à tout prix : Le spasme nauséeux! Tu te souviens de cet épisode désagréable de la visite médicale, lorsque le toubib appuie sur l'arrière de la langue avec une spatule? Ça ne loupe pas et, misère! m'empêche d'envisager le moindre progrès sur cet instrument...
C18 - Clarinette triple "Launeddas" - Sardaigne (Cagliari) - Roseau, fil, cire - 415, 540 et 680mm
Parmi les vidéos disponibles sur le net, en voici une qui illustre le jeu épatant et les sonorités incroyables de cet instrument magnifique d'apparente fragilité et de fausse simplicité :
Détail des embouchures. Note les anches lestées. |
J'édite ce message pour t'encourager de visiter le site de Boris qui m'a permis d'acquérir cette merveille : Son univers vaut plus qu'un simple détour, suis donc ce lien. Merci Boris, puisse cette amitié naissante se développer.
Source : Le Roseau et la Musique - C.-Y. Chaudoreille, Édisud, La Calade, 13090 Aix-en-Provence - 1988 - 155 pages.
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